En tonnage, 90 % du commerce mondial est transporté par mer. Le conteneur y est devenu incontournable pour acheminer une très grande diversité de marchandises. Une logistique bien huilée, jusqu’au jour où le nombre de boîtes vient à manquer… ERICK DEMANGEON

Lorsqu’en 1956 l’Américain Malcolm McLean dissocia « la caisse » d’une semi-remorque routière pour la transporter par voie maritime, il inventa le conteneur. Depuis, cette boîte rectangulaire métallique a conquis le monde et ses échanges commerciaux. « Sans conteneurisation, l’idée de produire en grande quantité les biens les plus divers à des milliers de kilomètres de leurs lieux de consommation n’existerait pas. Le monde serait autre », affirme Antoine Frémont.

Pour le directeur de recherche sur les transports à l’Université Gustave- Eiffel, cette conteneurisation a permis « de transporter sur longues distances de grandes quantités de marchandises, de façon contrôlée en termes de temps, d’espace et de coûts. 

Normé et standardisé 

Plusieurs facteurs ont imposé le conteneur dans le monde, sur les mers et sur terre. « Son caractère interchangeable est à l’origine de l’essor des réseaux de transport mondiaux et des chaînes associant au maritime le rail, la route et le fluvial pour concevoir un transport de bout en bout, de porte-à-porte », selon Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime.

L’efficacité de cette multimodalité repose sur un conditionnement (ré)utilisable par différents modes de transport sans manipuler les marchandises qu’il contient. Cette logique s’est développée grâce à la normalisation des conteneurs élaborée par le comité technique « ISO – TC 104 » des Nations unies, en poursuivant un but : Quel que soit le pays, ou le continent, les conteneurs transportés et manutentionnés sont tous identiques dans leur conception, rappelle Paul Tourret. Mieux, ils ont été pensés pour s’adapter à la quasi – totalité des marchandises, qu’elles soient solides, liquides, sous température dirigée ou manufacturées. 

Une longue pénurie mondiale 

Pour fonctionner, ce modèle logistique suppose une quantité de conteneurs suffisante pour répondre aux besoins des échanges internationaux et multimodaux. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, près de 816 millions d’équivalents vingt pieds » (dits EVP, l’unité normalisée pour compter les conteneurs) ont été manutentionnés en 2020 dans les ports mondiaux.

L’organisation estime le parc global de conteneurs entre 100 et 200 millions d’EVP. Ce faisant, pour répondre aux besoins des échanges mondiaux et multimodaux, chaque boîte effectue plusieurs rotations ou voyages chaque année. Or, depuis la pandémie de Covid-19, les chaînes d’approvisionnement sont perturbées, avec pour conséquence, notamment, de ralentir ces rotations. 

Deux autres facteurs aggravent la tension actuelle. En 2019 et en 2020, la production mondiale de conteneurs a sensiblement diminué en raison d’une surcapacité constatée les années précédentes, entraînant la chute de leur prix. Les politiques de relance déployées à travers le monde face à la crise sanitaire ont eu également pour effet de booster la demande en biens manufacturés dans les pays occidentaux. La plupart de ces produits étant fabriqués sur le continent asiatique, en Chine en particulier, cette demande s’est traduite, par effet domino, par un besoin supplémentaire de boîtes pour les transporter. 

Oligopole chinois 

La dissipation de ces déséquilibres mettra automatiquement des conteneurs sur le marché. Ce retour à la normale n’est pas attendu avant la fin de l’année, selon les compagnies maritimes et les loueurs de ces matériels. Sans compter un nouvel épisode pandémique et malgré des usines de production tournant à plein régime.

Cette production est aujourd’hui assurée à plus de 95 % en Chine ; 100 % pour les conteneurs sous température dirigée appelés reefers. Avec des actionnaires où figurent des compagnies maritimes chinoises, dont Cosco, trois producteurs concentrent 85 % du marché : CIMC, CXIC et DFIC. De jeunes sociétés puisque les deux premières ont été créées dans les années 1980 et la troisième en 2010. Confrontation de l’offre et de la demande oblige, le prix des boîtes a doublé en 2021, voire triplé pour certains modèles, qui peuvent atteindre 6 500 dollars.