Ils sont les portes du commerce extérieur de la France. Les uns sont engagés dans la Stratégie nationale portuaire pour accroître leur part du fret de conteneurs et décarboner. Les autres peuvent miser sur l’avion-cargo, tel Paris Charles – de – Gaulle, qui conforte son excellence dans le fret aérien européen. ERICK DEMANGEON

E n octobre 2020, les principaux acteurs des chaînes logistiques françaises signaient une charte d’engagements visant à redonner de la compétitivité à la filière logistique portuaire. Leur constat était sans appel : « Les ports maritimes français sont en danger à la suite de la crise sanitaire, mais aussi par leur manque de fiabilité », indiquait ainsi Frédéric Chabasse, président de la commission maritime de l’AUTF, qui rassemble les acheteurs de transport de fret en France. 

La fiabilité retrouvée des ports français déterminera de fait le succès de la Stratégie nationale portuaire (SNP), présentée le 22 janvier 2021 au Havre par le Premier ministre, Jean Castex. Ses ambitions visent en particulier à accroître de 60 % aujourd’hui à 80 % en 2050 la part du fret conteneurisé de, et vers, la France qui est manutentionné dans ses ports. Pour cela, la SNP mise sur « une consolidation et une diversification de leurs filières ». Il est aussi prévu d’accroître de 30 % d’ici à 2030 la desserte terrestre des ports par voies ferrée et fluviale plutôt que par la route, et de la rendre neutre en carbone à l’horizon 2050. 

Approche par axes logistiques 

« La reconquête des trafics passera principalement par Haropa [rassemblant les ports du Havre, Rouen et Paris. NDLR], Marseille-Fos et Dunkerque » précise enfin la SNP. Couvrant la soixantaine de ports de commerce français, elle promeut une approche par axes le long de la Seine et des bassins fluviaux Rhône-Saône et du nord de la France. Son financement est assuré par le volet portuaire du Plan de relance, doté de 175 millions d’euros sur la période 2021-2022, et par les autorités portuaires. Aux ambitions de trafic et de décarbonation s’ajoutent des objectifs en termes d’emploi et de numérisation des procédures. 

Concrétisations 

Parmi une vingtaine d’actions pré-vues par la SNP, la fusion des ports du Havre, Rouen et Paris au sein de l’établissement unique Haropa a eu lieu le 1er juin 2021. Une opération dans laquelle l’État s’engage à investir 1,45 milliard d’euros jusqu’en 2027. 

L’interopérabilité des systèmes d’information portuaires français est bien engagée dans la perspective d’un guichet unique maritime européen en 2025. Dans la foulée, l’association France Cyber Maritime a été créée pour lutter contre la menace cyber. Un Observatoire national de la performance portuaire est aussi sur les rails, évaluant les ports français par rapport à leurs concurrents européens. Opérationnels aussi, les points de contact uniques aux frontières (programme France Sésame) dans les ports du Havre, Dunkerque et Marseille-Fos pour accélérer l’échange de documents liés au transit portuaire.

Premiers résultats encourageants 

Les trafics 2021 des trois principaux ports français semblent donner raison à la SNP. Haropa a enregistré un nombre record de conteneurs avec 3,1 millions d’« équivalents vingt pieds » (EVP) et un trafic maritime en hausse de 12 % à 83,6 millions de tonnes. Marseille-Fos a manutentionné 75 millions de tonnes (+ 9 %) avec là aussi un record dans les conteneurs, à 1,5 million d’EVP, en hausse de 13 %. Quant à Dunkerque, sa progression de 8 % lui permet d’atteindre 48,6 millions de tonnes, son flux conteneurisé bondissant de 41 % (650 000 EVP). Avec Calais, les sept grands ports maritimes métropolitains détenus par l’État consolident 85 % des tonnages traités par les ports français (320 millions de tonnes en 2020).

Projets décarbonés 

La transition écologique et énergétique a, elle aussi, connu des avancées significatives. En témoignant les futures implantations de Verkor à Dunkerque, pour y fabriquer des batteries d’ici à juillet 2025 (investissement d’1,5 milliard d’euros), ou de H2V Industry pour produire de l’hydrogène vert à Fos en 2026 (750 millions). Au printemps, les premières pâles et nacelles d’éoliennes sortiront du complexe industriel de Siemens Gamesa au Havre (des centaines de millions d’investissements publics-privés). En février enfin, ArcelorMittal a présenté un investissement de 1,7 milliard d’euros à Fos et à Dunkerque pour “verdir” sa production d’acier et d’aluminium avant 2027. 

Ces annonces participent à la diversification des ports pour les rendre moins dépendants des vracs pétroliers. Elles confirment aussi leur rôle dans les énergies et carburants propres destinés, notamment, aux navires (gaz naturel liquéfié, branchements électriques à quai, hydrogène…). Elles s’intègrent enfin dans des programmes à long terme de milliards d’euros à l’image des parcs éoliens prévus à Dieppe, Le Tréport, Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint-Brieuc et Yeu-Noirmoutier. 

 L’enjeu des dessertes terrestres 

Cette diversification pose un enjeu foncier toutefois. La future usine de Verkor, par exemple, s’étendra sur 150 hectares ! Cet arbitrage dans la gestion des capacités foncières en faveur d’industries vertes est au cœur des projets quinquennaux des grands ports. Il impose en outre « de renforcer les collaborations avec les acteurs privés et les collectivités au-delà des seules enceintes portuaires », estime Stéphane Raison, directeur général de Haropa Port. 

La mise en œuvre de la SNP autour d’une approche par axes logistiques doit aussi démontrer sa pertinence en matière de report du mode routier vers le ferroviaire et le fluvial. Une massification à mener en synergie avec la « Stratégie pour le développement du fret ferroviaire » > pub liée en septembre 2021, et le Contrat d’objectifs et de performance signé le 30 avril 2021 entre l’État et Voies navigables de France.