Dans le sillage de la licorne de la robotique Exotec, des centaines de start-up forment une «Supply Tech» française. Leur but : accompagner les entreprises vers une logistique plus performante et durable. RENAUD CHASLE

L’État appuie sur l’accélérateur pour faire passer les entreprises à l’ère 4.0 en matière de pilotage des chaines d’approvisionnement, de gestion de l’entrepôt et des transports. En témoigne le programme “Supply Tech” lancé le 25 novembre 2021 sous l’égide du ministère des Transports et de France Logistique.

Dans la ligne du plan France 2030 qui prévoit une enveloppe de 2,5 milliards d’euros pour aider les start-up de la French Tech, Supply Tech vise à promouvoir l’innovation en logistique et aider les jeunes pousses françaises à industrialiser leurs solutions. Une véritable filière de plus de 300 start-up, selon le cabinet SprintProject.

26 IA et loT pilotent les flux

Piloter les flux logistiques à l’aide d’intelligence artificielle (IA) et de l’Internet des objets (IoT), automatiser la préparation de commandes ou réduire l’impact carbone sont autant de sujets d’avenir sur lesquels elles planchent. Côté IA, les sociétés DC- brain, DataGenius, Prevision.io, Winddle, Zozio, Flowlity ou encore Vekia développent des outils collaboratifs d’analyse des données, de prévision et planification des flux logistiques puis d’optimisation du stockage.

Everysens, Atoptima ou Citodi planifient grâce à l’IA la distribution des marchandises afin de réduire les kilomètres parcourus. Pour baisser la pollution, TK’Blue développe des algorithmes qui évaluent la performance environnementale du transport. De son côté, Magic Pallet aide les entreprises à réduire les transports à vide en fournissant une plateforme digitale de gestion et d’échange des palettes et emballages logistiques.

Avec Living Packet, ces derniers sont connectés, tracés et réutilisables jusqu’à 100 fois. La start-up SpaceFill a levé 7 millions d’euros et propose une plateforme cloud de visibilité et de réservation d’espaces de stockage disponibles dans plus de 3 000 entrepôts. Avec Monstock qui vient de lever 1,6 million, les entreprises comme Showroom privé disposent d’une application de mutualisation des stocks au sein d’entrepôts éphémères.

L’entrepôt, laboratoire d’innovations

Ces derniers temps, les start-up dites de “l’entrepôt 4.0” font parler d’elles, par les fonds qu’elles lèvent et par l’ampleur des technologies innovantes qu’elles déploient dans la supply chain. Exotec en est l’illustration parfaite. Avec 105 millions d’euros de chiffre d’affaires, le lillois a atteint le statut de licorne (valorisée plus de 1 milliard) après des levées de fonds.

Dans son sillage, des sociétés, comme Scallog, iFollow, Robotics, Sherpa Mobile, e-Cobot, Tesseract Solutions, développent différents modèles de cobots (robots collaboratifs), de robots mobiles autonomes ou de bras robotisés pour automatiser les entrepôts. Et des robots de livraison urbaine font déjà leurs premiers tours de roue, tels ceux de Twinswheel à Montpellier.

Ces start-up contribuent activement au savoir-faire Made in France en matière d’automatisation des supply chains. Elles travaillent généralement avec des acteurs spécialisés dans l’IA, la réalité virtuelle ou augmentée et dans l’IoT, qui fournissent de nouveaux outils digitaux aux logisticiens.

Sur ce terrain, on trouve le grenoblois Wyres ou le breton Agemos System, qui installent des “beacons” (puces communicantes) ; de géolocalisation des colis et des palettes dans les entrepôts. Find & Order propose en complément une solution de cartographie 3D et géolocalisation optimisant les opérations de picking. Qowisio déploie des balises RFID pour monitorer les équipements, l’éclairage, le contrôle d’accès des sites logistiques. Le strasbourgeois Protos Tech ou le bordelais Handddle conçoivent de leur côté des imprimantes 3D qui permettent aux industriels et logisticiens de compléter les stocks de pièces. Et parce que les technologies peuvent aussi être au service de l’être humain, le lavallois HRV utilise la réalité virtuelle pour identifier et cartographier les risques de troubles musculosquelettiques aux différents postes de travail.

Innover pour mieux livrer

La digitalisation du transport a vu émerger des dizaines de start-up ces dernières années. Appelées plateformes de visibilité ou de tracking des livraisons, les solutions Shippeo, Shiptify, Searoutes ou Ovrsea connaissent une forte croissance en fournissant aux expéditeurs le suivi en temps réel de toutes les étapes de transport. D’abord centrées sur le marché français, elles lèvent chaque année plusieurs dizaines de millions d’euros pour leur expansion mondiale avec l’objectif de générer plusieurs centaines de millions de chiffres d’affaires d’ici à 2025.

Fretlink, Woop, Ontruck proposent de leur côté de digitaliser la gestion du fret entre expéditeurs et transporteurs. Ces commissionnaires de transport 2.0 utilisent le cloud, des applications mobiles et la géolocalisation des camions pour mettre en relation les donneurs d’ordre et les transporteurs afin de réduire les coûts et l’empreinte carbone. Spécialisés dans la livraison urbaine, certains développent des applications pour mettre en relation commerçants et transporteurs verts ». C’est le cas de Trusk, utilisé par Ikea ou Leroy Merlin, de Miist, DeliverMe.City ou B-Moville (livraison à vélo-cargo et triporteur).

L’écosystème français de start-up de la Clean Tech a aussi son lot d’acteurs innovants en véhicules électriques, à hydrogène ou autonomes. Parmi eux, Batteries For People gestion développe une application de la consommation électrique, WattPark déploie des bornes de recharges connectées, la start-up toulousaine Easymile a levé 55 millions d’euros en 2021 pour la commercialisation de véhicules sans chauffeur. Et certains misent sur ses solutions aériennes, comme LifeLines et ses drones pour le transport de produits de santé sensibles ou Flying Whales qui conçoit ses dirigeables de fret.

Les logisticiens incubent les start-up

Afin de soutenir l’innovation et le développement des start-up de la logistique, les grands acteurs du marché créent des incubateurs ou accélérateurs. CMA CGM a lancé Zebox en 2018 pour propulser à l’international les jeunes pousses de l’IoT, de l’IA ou de la robotique. Aujourd’hui, Zebox dénombre 50 start-up, parmi lesquelles Ownest, Geopallet ou Sea routes.

L’incubateur The Warehouse de Cdiscount fédère une douzaine de start-up axées sur la dépénibilité du travail et sur le développement de la cobotique (robotique collaborative). Le logisticien ID Logistics accompagne, à travers le programme Campus Innovation, a permis de mettre en œuvre près de 80 projets. Dans l’alimentaire, la métropole lilloise accélère l’innovation logistique avec son incubateur Euralimentaire, et le marché de Rungis accompagne plus de 40 start-up par an via Rungis & Co. En 2019, L’Oréal a lancé l’incubateur Make Your Technology dédié à l’industrie et la supply chain du futur.