Derrière les flux de marchandises ou financiers, les données ont envahi et amélioré les chaînes logistiques. Leurs logiciels croisent le big data, l’Internet des objets et l’intelligence artificielle. RENAUD CHASLE 

Dans un monde « connecté », la gestion d’une marchandise, depuis son site de production jusqu’à sa livraison finale, passe par le traitement continu d’informations enrichies à chaque maillon de la chaîne logistique. S’il n’est pas nouveau, le phénomène de digitalisation des chaînes d’approvisionnement est en pleine expansion et s’accélère.

Les datas garantissent la traçabilité des produits et fournissent des éléments d’analyse en vue d’améliorer la performance, la qualité de service, l’impact environnemental et de réduire les coûts. 

L’essor de l’e-commerce, en croissance de 42 % entre 2019 et 2021, n’y est pas étranger : l’e – consommateur s’habitue aux livraisons ultra-rapides et tracées de bout en bout, des pratiques qui se répandent dans les flux BtoB. On le voit chez Amazon qui a bâti son succès sur le développement de technologies novatrices basées sur le cloud computing et l’intelligence artificielle (IA).

Selon son fondateur, Jeff Bezos, ce sont l’exploitation intelligente des données clients, l’analyse des datas et des parcours d’achats qui permettent d’optimiser la gestion des achats, des stocks et de s’adapter constamment à la demande des clients. 

L’éditeur Vekia estime que la gestion des commandes dans un seul entrepôt d’Amazon ou de Cdiscount nécessite de traiter plusieurs centaines de gigaoctets de données chaque jour  ! Une simple commande en ligne qui représente quelques centaines de kilo-octets de données au départ finit par peser plusieurs centaines de mégaoctets à la fin de son enrichissement le long du par cours logistique. « L’univers digital dépasse aujourd’hui l’univers physique, si l’on regarde un entrepôt Amazon avec des milliers d’articles, il faut multiplier par cent le nombre de données à traiter pour chacun », indique Manuel Davy, président de Vekia.

La performance des entreprises passe désormais par la capacité à se doter de logiciels pouvant gérer intelligemment les stocks, l’entrepôt, organiser le transport amont et aval ou tracer chaque événement. C chez vous, filiale de CDiscount, a par exemple investi plus de 2 millions d’euros dans les systèmes d’information pour gérer les flux et optimiser les tournées de livraison. 

La digitalisation à l’œuvre dans les entreprises 

Une offre pléthorique de logiciels optimise un ou plusieurs maillons des chaînes logistiques. À côté de géants informatiques (SAP, Oracle, IBM …) qui ont étendu leur logiciel de gestion intégré à la supply chain se positionnent des éditeurs spécialisés, tels que FuturMaster, Generix, Hardis, Infflux, Manhattan Associates.

Leurs logiciels permettent aux entreprises d’informatiser les trois piliers logistiques : la prévision et la planification, la gestion de l’entrepôt et le transport des marchandises. Le niveau d’équipement varie selon la taille des entreprises et leur périmètre géographique, avec un taux plus important chez les grands comptes qu’au sein des PME. 

Le logiciel de gestion de l’entrepôt (WMS) sait par exemple gérer des stocks de dizaines de milliers d’articles différents, mais il permet même aux plus petits sites d’optimiser leurs opérations et de réduire les temps de parcours des manutentionnaires. Selon une étude du cabinet Xerfi, 80 % des entreprises en sont équipée. La grande distribution en est friande.

Chez Leclerc, la centrale d’achats Scapnor exploite un WMS et l’Internet des objets IoT) pour contrôler automatique ment les chargements. Elle atteint une fiabilité de 99 % des chargements de palettes et a pu augmenter la productivité parfois jusqu’à 25 %. Les logiciels de prévision-planification (APS) permettent d’optimiser les approvisionnements et de réagir rapidement aux aléas. Au plus haut de la crise du Covid, lorsque les bars et restaurants étaient fermés, Heineken a pu rapidement rediriger ses produits vers les magasins ouverts et réduire les pertes, car l’enseigne avait préalablement confié le pilotage de sa distribution à un APS.

Face aux pics d’activité liés au Black Friday ou au lancement du dernier iPhone, les APS anticipent les surcroîts de commandes et adaptent l’organisation logistique en conséquence. Côté transports, une entreprise sur quatre est dotée d’un outil de planification (TMS) qui vise à sélectionner les transporteurs et de plus en plus à réduire l’empreinte carbone. L’enseigne Leroy Merlin, dont l’utilisation d’un TMS relié à une plateforme de suivi des trans ports a permis de réduire 600 000 kilomètres de trajets, affiche  une baisse de 19 % des émissions de CO2 depuis quatre ans. 

Traçabilité, loT et blockchain 

Le digital trace les produits, colis palettes, mais aussi les véhicules, les conteneurs équipés de puces ou de balises qui transfèrent leurs informations de contenu, de positionnement, de poids ou de température via les réseaux Wi-Fi, 4/5G, à bas débit ou Bluetooth. Avec l’IA qui analyse ce big data, certains programmes die posent de robots cliqueurs qui génèrent eux-mêmes de nouvelles données pour enrichir les systèmes. Ceux-ci se connectent en outre à des bases de données mondiales, par exemple d’info trafic, de météorologie, d’e-commerce, afin d’établir des prévisions de flux ou des calculs de transport plus précis.

Les blockchains sont également utilisées pour identifier puis certifier et fiabiliser les échanges informatiques entre tous les acteurs de la supply chain. D’une gestion presque archaïque, la logistique est passée grâce aux progrès technologiques à l’ère de la supply chain 4.0 et ce n’est qu’un début.