Véhicules autoguidés, robots, bras articulés… une panoplie de technologies robotiques rendent les entrepôts plus performants et les tâches moins pénibles pour les opérateurs. Sans pour autant les remplacer totalement. RENAUD CHASLE

À l’ère de « l’industrie 4.0 », l’entrepôt passe au numérique, à l’automatisation et à la robotisation. L’idée que l’on peut se faire d’un hangar dans lequel sont empilées des marchandises manipulées et préparées par de petites mains avant d’être expédiées est largement révolue. Si le niveau d’équipement reste contrasté (le fabricant Mecalux estimant entre 5 et 10 % le taux d’automatisation des entrepôts dans l’Hexagone), certains secteurs se démarquent. La robotisation est fréquente chez des industriels en quête de productivité logis tique et omniprésente chez les grands de l’e-commerce, Amazon et Cdiscount en tête en France. Les logisticiens mondiaux ou encore les vastes sites logistiques de la grande ces dernières années. De plus en distribution se robotisent fortement plus, les grandes enseignes du commerce déploient elles-aussi en propre des robots dans leurs entrepôts.

Accusée de détruire les emplois, la robotisation s’y impose d’une part comme une solution face aux problématiques d’une logistique sous tension. Le secteur souffre d’une pénurie de main-d’œuvre et n’attire plus les jeunes générations. D’autre part, la croissance de l’e-commerce et des flux de marchandises impose de traiter toujours plus d’objets aux formats variés avec des délais de livraison de plus en plus courts.

Il faut également une grande flexibilité afin d’absorber des pics d’activité fréquents, par exemple le Black Friday, les soldes ou les événements promotionnels organisés par les marques. Les manutentionnaires s’habituent ainsi à côtoyer des machines qui, sans chercher à les remplacer, les accompagnent pour réduire la pénibilité des tâches au quotidien et qui travaillent la nuit et le week-end.

Chariots élévateurs sans chauffeur

Dans ces entrepôts 4.0, les chariots élévateurs, tracteurs ou transpalettes “traditionnels” cèdent progressivement la place à des engins autonomes. Baptisés chariots autoguidés ou automatic guided-vehicles (AGV), ces engins se déplacent dans les allées de l’entrepôt et soulèvent puis tractent de lourdes palettes volumineuses (jusqu’à 8 tonnes). Ils gardent les mêmes propriétés en termes de format, d’ergonomie, de motorisation électrique (à base de batteries lithium-ion), mais n’ont plus besoin de conducteur. Ils sont téléguidés via des logiciels de programmation par des opérateurs à la fois manutentionnaires et ingénieurs informatiques. Grâce à des caméras et lasers embarqués, ces véhicules reconnaissent leur environnement pour identifier l’emplacement des marchandises sans se télescoper ni percuter les collaborateurs qui continuent de se déplacer dans l’entrepôt. Selon le cabinet Research and Markets, le marché des AGV devrait connaître une croissance de 10,8 % jusqu’en 2026 et générer plus de 3,64 milliards de dollars. 

Les robots entrent en scène

Dans les phases de préparation des commandes, des robots mobiles autonomes (AMR), dits « cobots » pour mettre en avant leur aspect collaboratif, accompagnent les salariés. Ils prennent une grande variété de formes : trieurs intelligents, étagères mobiles, robots suiveurs, plateaux roulants capables d’amener les produits vers les préparateurs qui les déposent dans les colis. Certaines de ces machines autonomes se glissent sous des étagères pour les soulever et les transporter jusqu’à la zone de préparation. D’autres robots, dotés de pinces ou de tiroirs escamotables, se déplacent verticalement et horizontalement le long de tours ou de box métalliques dans lesquels sont stockées les marchandises. Ils collectent un à un les produits sur de grandes hauteurs et viennent les déposer sur des postes de préparation situés en bas de ces équipements. 

Les machines ont le bras long

Les bras mécaniques articulés constituent le troisième type de systèmes robotisés en pleine expansion. Ils sont placés sur les postes de préparation des colis ou même intégrés aux AMR pour se déplacer d’un poste à un autre. Reliés à un logiciel de modélisation et dotés de caméras ou de lasers, ils sont capables de saisir des produits sur un tapis roulant ou dans un bac puis de remplir eux-mêmes les cartons. Ils n’ont pas encore totalement remplacé les opérateurs, mais on s’en rapproche. Leur utilisation réduit les gestes répétitifs et permet aux logisticiens de pallier les pénuries de main-d’œuvre, voire d’accélérer les cadences de préparation des livraisons. Avec les progrès de l’intelligence artificielle et des coûts de fabrication à la baisse, ces bras articulés pourraient se généraliser à moyen terme. Les métiers manuels de l’entrepôt seraient alors amenés à disparaitre, au profit de nouveaux profils dédiés à la gestion, la maintenance ou à l’optimisation des machines.

Synthèse vocale, drones et exosquelettes

Les technologies déployées dans l’entrepôt 4.0 ne se limitent pas aux robots et systèmes automatisés. Depuis de nombreuses années, les manutentionnaires sont équipés de terminaux mobiles et de casques avec micro. Grâce à la synthèse vocale, le logiciel de gestion de l’entrepôt (WMS) leur dicte oralement les tâches à effectuer ou les produits à prélever. Avec les mains libres, les préparateurs sont plus mobiles et gagnent en productivité même si la technologie est parfois décriée.

Les drones aériens équipés de scanner ont également fait leur apparition pour contrôler l’état des stocks et effectuer les inventaires avec un minimum d’intervention humaine. Afin de réduire la pénibilité des tâches qui ne sont pas automatisables, certains logisticiens, parmi lesquels FM Logistic, DB Schenker ou Rhenus Logistics fournissent aux manutentionnaires des exosquelettes. Cette structure mécanique revêtue par l’utilisateur utilise des systèmes de ressorts ou des moteurs pour démultiplier sa force et lui permettre de soulever de lourdes charges sans effort.

L’entrepôt ultra-connecté

Tous ces systèmes s’inscrivent dans le cadre de la digitalisation et de la connectivité croissante de l’entrepôt 4.0. Celui-ci repose sur des systèmes informatiques de pointe dédiés à la gestion des marchandises comme au contrôle des équipements. Une foule de capteurs, de balises ou de puces communicantes, de caméras ou radars optiques sont déployés. Ils connectent les machines à l’infrastructure via les réseaux Wi-Fi, 5G ou même à bas débit. Des millions d’informations circulent de la sorte et sont traitées par des algorithmes auto apprenants afin d’opérer et de contrôler les machines et les véhicules autoguidés tout en offrant des niveaux de sécurité élevés pour les salariés. La tendance est aussi à la modélisation 3D de sites logistiques modulaires, dont on peut modifier l’aménagement et les rayonnages en fonction des besoins.