Depuis bientôt dix ans, la Chine est engagée dans le pro gramme gigantesque des Nouvelles Routes de la soie » Parmi ses objectifs, une meilleure connectivité logistique avec le monde pour distribuer ses produits et sécuriser ses approvisionnements. En 2021, l’Europe et le G7 ont décidé de lancer des initiatives similaires. ERICK DEMANGEON

Où en est le plan « Belt and Road Initiative » (BRI) ? Appelé aussi « Nouvelles Routes de la soie » ce programme lancé en 2013 par la Chine a connu plusieurs évolutions depuis. Son but officiel est d’améliorer et de soutenir les échanges entre la Chine et l’Asie, mais aussi avec l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Global, son périmètre couvre les transports, l’énergie, le commerce (financement, douane…), les télécommunications et la culture.

Son achèvement est prévu en 2049 pour le centenaire de la fondation de la République populaire de Chine. Quant à son financement, estimé jusqu’à 24 000 milliards de dollars (!), il est assuré par des établissements financiers chinois et, surtout, des prêts consentis (par ces derniers) aux États qui y participent.

Priorité au rail

En matière d’infrastructures pour le transport de fret, la BRI a deux composantes : maritimo-portuaire (Mari time Silk Road) ; et terrestre, autour de la route, du ferroviaire et de pipelines (Silk Road Economic Belt). Cette dernière se décline en six corridors entre la Chine et l’Europe, l’Asie centrale, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est. Elle est complétée par la construction d’infrastructures en Afrique et en Amérique du Sud. 

Dans ce cadre, le ferroviaire est privilégié pour relier la Chine à l’Europe. Malgré plusieurs difficultés (écarte ment des voies, alimentation électrique, signalisations différentes dans les pays traversés), il est présenté comme une alternative au maritime et à l’aérien. Le rail est de trois à cinq fois moins cher que l’aérien et quasi équivalent au maritime après ses fortes augmentations depuis trois ans (deux fois plus cher sinon). Il propose des temps de trajet de 16 à 22 jours, contre jusqu’à 40 jours par mer. 

Enjeux géopolitiques 

De 10000 à 12 000 kilomètres, deux itinéraires ferroviaires relient la Chine à l’Europe : par le Nord, via la Russie, la Biélorussie (avec une voie plus centrale via le Kazakhstan, le Caucase et l’Ukraine), et par le Sud, à travers le Turkménistan, l’Iran et la Turquie. Sachant que 80 % des trafics passent par l’itinéraire nord, les tensions géopolitiques en Ukraine et en Biélorussie sont devenues un frein au rail.

Une deuxième difficulté est la congestion sur ses points frontières et, plus particulièrement, à Malaszewicze, entre la Pologne et la Biélorussie, ainsi qu’à Khorgos et Alashankou, entre la Chine et le Kazakhstan. Sauf tensions géopolitiques, ces congestions sont en passe d’être résolues avec le renforcement des capacités en place et l’ouverture de nouveaux points de transit. Ils sont situés à Fényeslitke, en Hongrie, à la frontière avec l’Ukraine, à Kaliningrad et à Saint-Pétersbourg, en Russie. 

En Europe de l’Ouest, c’est au hub ferroviaire de Duisbourg, en Allemagne, que la majorité des trains arrivent de Chine ou y partent. Le premier port intérieur d’Europe est relié à toute l’Allemagne, à la France (Lyon-Vénissieux, Dourges, Paris-Valenton), l’Espagne, l’Italie, au Royaume-Uni, au Benelux. En Chine, cinq hubs concentrent 80 % du trafic ferroviaire avec l’Europe : Xi’an, Chengdu, Chongqing, Zhengzhou, Ürümqi. 

En 2021, le rail a traité 1,6 million d’EVP (l’unité de mesure de référence) entre la Chine et l’Europe, soit 6 % des échanges conteneurisés entre les deux zones géographiques. Il enregistre une croissance annuelle moyenne de 30 % depuis 2018. 

Quant à la composante maritime de la BRI, elle comporte deux axes : Chine-détroit de Malacca-canal de Suez et la route maritime du nord par l’Arctique. Sur ces derniers, les grandes entreprises chinoises, la plupart publiques (ou partiellement), sont incitées à prendre des participations dans la gestion des ports et terminaux portuaires, voire dans la construction de nouvelles installations pour les exploiter ensuite.

En 2016, le groupe Cosco a ainsi pris le contrôle du port grec du Pirée. Avec plus ou moins d’importance, des participations chinoises apparaissent aussi dans les ports de Venise et Trieste en Italie, de Sines au Portugal, de Kumport en Turquie, de Gwadar au Pakistan et d’ailleurs (Tanzanie, Kenya, Sri Lanka, Djibouti, Philippines…).

État d’avancement 

Depuis son lancement, 142 pays ont signé des accords de coopération qui serait à l’origine de 1400 mil avec la Chine pour rejoindre la BRI liards de dollars d’investissements déjà. Ces derniers sont notamment suivis par le Green Financing and Development Center de l’Université port, en février, note une baisse des Fudan à Shanghai.

Son dernier rapport, en février, note une baisse des investissements depuis la crise de la Covid-19. En 2020 et en 2022, ils se sont élevés à 60 milliards de dollars par an ; les prêts prenant une part de plus en plus importante par rapport aux financements directs de la Chine. Autre constat, la taille des projets diminue en valeur.

Les cibles actuelles du plan chinois sont l’énergie et le transport, en particulier en Asie du Sud-Est, Afrique et Moyen-Orient. L’Europe (sauf la Serbie) ne semble plus être une de ses priorités alors que les financements en Amérique du Sud montent en puissance. En 2021, 810 millions de dollars ont été investis dans des aéroports, 10,6 milliards dans le rail, 3,6 milliards dans les routes (en repli depuis plusieurs années) et 3,1 milliards dans les ports. 

Entre 2021 et 2025, le ministère du Commerce chinois prévoit d’investir 550 milliards de dollars dans la BRI, par un montant en baisse de rapport à la période 2016-2020.