Au centre des flux européens nord-sud, la métropole lyonnaise est victime de son dynamisme. La pression foncière éloigne les logisticiens toujours plus loin du centre-ville. Après l’est, ils investissent la vallée du Rhône, prisée pour sa multimodalité. THIERRY BUTZBACH

Plus de bâti, encore moins de foncier. À Saint​-Quentin-Fallavier, la saturation de l’immense parc d’activité de Chesnes illustre l’incroyable pression foncière dont est victime la filière logistique dans l’agglomération de Lyon. Sur cette zone logistique parmi les plus grandes d’Europe, « le taux de vacance tourne autour de 0,5 % », affirme Laurent Lamatière, le responsable du bureau lyonnais du cabinet de conseil immobilier Arthur Loyd. “Il n’y a plus rien de disponible, alors que je reçois des demandes d’implantation chaque semaine… ”, confirme Cécile Michaux, la déléguée générale du Pôle d’intelligence logistique Europe du Sud (PIL’es). 

Situé à une trentaine de kilomètres au sud-est de la cité des Gaules, le site concentre sur plus de 1000 hectares pas moins de 114 établissements et 83 bâtiments pour 2,4 millions de mètres carrés de surfaces d’entrepôts. Rien d’étonnant à cela : un bassin de consommation important (8 millions d’habitants), une vocation industrielle affirmée qui génère 18 % de la valeur ajoutée régionale et un positionnement géographique avantageux sur l’axe Lille-Paris-Marseille sont autant d’atouts pour nourrir les échanges de marchandises.

LA RÉGION EN CHIFFRES 

  • 8 millions d’habitants, soit 12,5 % de la population française. (2 ° rang national).
  • 270 milliards d’euros de PIB régional, soit 11,5 % du PIB national.  

Desserrement à l’est de Lyon 

Depuis une vingtaine d’années, l’activité logistique régionale s’éloigne du centre-ville pour se déployer en croissant sur tout l’est de la métropole. Sont ainsi nées les zones de la plaine de l’Ain et de Saint-Vulbas.

Des projets sont encore à l’étude, comme celui de la plaine de Saint-Exupéry, en bordure de l’aéroport de Lyon, où subsiste l’une des dernières réserves foncières, permettant d’accueillir environ 400 000 m² d’entrepôts, dont la moitié pour Amazon. Mais les militants écologistes et de nombreux élus (le maire de Lyon en tête) s’opposent à cette initiative. Et le bras de fer juridique, qui dure depuis plus de cinq ans, est loin d’être terminé. 

Devant ces perspectives limitées, les logisticiens cherchent évidemment à restructurer les anciens bâtiments et friches, en reconstruisant des entrepôts plus en hauteur, avec des solutions plus automatisées. Sans pour autant réussir à absorber tous leurs besoins.

Alors les entrepôts ont commencé à pousser de façon plus diffuse, voire anarchique, au gré des opportunités immobilières. Surtout, l’activité s’est peu à peu reportée sur des territoires de plus en plus lointains, en remontant la vallée de la Saône et surtout en descendant celle du Rhône. « Il y a une forte dynamique qui descend vers Valence, avec un fort enjeu de plateformisation de l’activité logistique, c’est-à-dire en cherchant à concentrer les opérateurs sur des sites pensés et développés dès l’origine pour la logistique », analyse Nathalie Mattiuzzo, directrice d’études au sein du cabinet Indiggo et enseignante à l’Université de Paris- Est-Créteil. 

L’implantation d’Allopneus à Valence, en 2017, témoigne de ce mouvement de délocalisation au sud, dont l’équation financière reste pourtant délicate à maîtriser. « Pour un entrepôt de 10 000 m², un éloignement de 20 km peut induire jusqu’à 800 000 euros de coûts d’exploitation supplémentaires à réintégrer dans les charges », pointe Samuel Bidolet, directeur des opérations pour la France du groupe ID Logistics. 

Dernier écueil : le manque de main d’œuvre. « La région est très dynamique sur le plan économique donc la question du recrutement dans le secteur des transports et de la logistique est encore plus délicate qu’ailleurs », insiste Cécile Rougeol, déléguée régionale de l’Association pour la formation dans le transport et la logistique.

Les élus semblent heureusement avoir pris la mesure de l’enjeu : dans son grand plan régional « Retour au travail » pour lutter contre les emplois non pourvus dans la région, Laurent Wauquiez, président d’Auvergne-Rhône-Alpes, cible entre autres le secteur des transports. 

REPÈRES LOGISTIQUES 

  • 8 millions de m² d’entrepôts logistiques, soit le 3e rang national.
  • 1700 km d’autoroutes connectées aux réseaux suisse et italien.
  • 8000 établissements opérant dans la filière transport et logistique.
  • 276,6 millions de tonnes de marchandises transitent par la région. 

Le réveil du transport fluvial 

L’implantation dans la vallée du Rhône s’accompagne de nouvelles possibilités de report modal nées de la volonté d’accroître le transport fluvial. Aujourd’hui, à peine 6 % des marchandises empruntant le couloir rhodanien voyagent à bord de barges, alors qu’avec les infrastructures existantes, le trafic pourrait être quatre fois supérieur », affirme Cécile Avezard, la directrice territoriale de VNF et présidente de Medlink Ports.

Cette agence de développement fluvial interrégional regroupant les ports de l’axe Rhône-Saône ainsi que les quatre ports maritimes méditerranéens, en plus des opérateurs VNF, CNR et SNCF met donc les bouchées doubles pour promouvoir le transport fluvial. Il s’agit d’améliorer la qualité de service, des délais de traitement, des coûts… tout en coordonnant les investissements dans les infrastructures. L’objectif : “ proposer des solutions plus lisibles et plus pertinentes, non pas dans une logique de concurrence, mais de complémentarité face à la route”, explique Cécile Avezard, afin d’accroître les flux actuels de 25 % à l’horizon 2027. 

La filière logistique participe active ment à cette croisade. Avec sa démarche collaborative baptisée « Ligne verte », le PIL’es invite transporteurs, chargeurs, gestionnaires d’infrastructures, transitaires, collectivités territoriales à échanger pour lever les principaux obstacles à l’adoption du transport fluvial. Réduisant ainsi un peu plus l’impact environnemental de la filière.