Malgré les emplois qu’ils créent, l’entrepôt comme le camion conservent une image négative pour nombre d’élus et de citoyens. Les aménageurs d’immobilier logistique espèrent changer la donne et se sont engagés à concevoir des bâtiments neutres en carbone d’ici à 2040. ERICK DEMANGEON
Produire un bien et le consommer sur place instantanément. Une idée séduisante pour limiter les gaspillages et les émissions de gaz à effet de serre. En réalité, production et consommation se font dans des lieux et une temporalité différents. Avant de croiser son consommateur, un produit traverse plusieurs étapes. Fabriqué, il est généralement stocké puis transporté jusqu’à son client.
Pour maximiser la satisfaction de ce dernier et le chiffre d’affaires du producteur, le stock a plusieurs fonctions. Il sert à réguler, lisser les livraisons et à garantir un approvisionnement continu censé éviter les ruptures. Dans un souci de rapidité et de raccourcissement des délais, il permet de positionner les articles à proximité du lieu de consommation, sur tout s’ils sont produits à des milliers de kilomètres. Valable pour satisfaire un consommateur final, le stock a des fonctions similaires quand il s’agit de matières premières vouées à être transformées par une usine.
Dans la plupart des cas, ces matières premières ou produits doivent être protégés avant leur transformation ou leur consommation. Les risques sont nombreux : aléas climatiques, vols, dégradation, température… Ce qui impose de les placer temporairement dans des bâtiments adaptés. C’est le rôle de l’entrepôt. En France, les pou voirs publics en recensent 4 500 de plus de 5 000 m². Ce parc propose 78 millions de mètres carrés de stockage avec une surface moyenne de 17 600 m² par bâtiment. Si 14 % ont des tailles supérieures à 30 000 m², les sites appartenant à cette catégorie représentent 44 % des surfaces d’entreposage, certains flirtant avec les 200 000 m² !
Aller plus loin que la loi
Aujourd’hui, la construction d’entrepôts et de ces « cathédrales logistiques » se heurte de plus en plus à l’opposition des élus et de leurs concitoyens. Plusieurs exemples de projets récents portés par Amazon l’ont démontré. L’intégration de l’immobilier logistique dans son environnement devient donc un enjeu, tout comme sa neutralité carbone fixée par l’Europe et transposée en Publiscopie France d’ici à 2050. Tel est le sens de la “Charte d’engagements réciproques pour la performance environnementale et économique de l’immobilier logistique”, signée le 28 juillet 2021 entre l’État et la filière, représentée par l’Afilog. “Il s’agit d’une démarche de progrès inédite”, explique son président, Claude Samson.
Elle fait suite à la mission de concertation avec les acteurs de l’immobilier logistique confiée par l’État à France Logistique et à France Stratégie au deuxième trimestre 2021. Sa mission était de faire émerger les conditions d’un développement responsable de la filière et de formaliser des engagements en la matière. » Cette charte contient 24 engagements réciproques. « Elle couvre l’artificialisation des sols et l’extension du tissu urbain existant, la performance environnementale des bâtiments, la biodiversité et l’instruction des projets par l’administration. »
Neutralité carbone d’ici à 2040
Parmi ses engagements relatifs à la biodiversité, tous les projets d’entrepôts supérieurs à 20 000 m² d’emprise en sol doivent remettre une étude environnementale depuis le 1er janvier. « Cette dernière précise les mesures à prendre pour optimiser la biodiversité du site comme aménager des nichoirs, refuges, gîtes … » Les signataires s’engagent en outre à planter au tour de leurs entrepôts des haies champêtres, sur deux rangées, sur un linéaire au moins équivalent à 50 % de la limite de propriété. Les essences appréciées par les in sectes pollinisateurs sont privilégiées. Et à partir du 1er janvier prochain, c’est l’intégralité des eaux pluviales qui sera traitée sur leurs sites.
Depuis le début de l’année, tous les projets d’entrepôts doivent aussi s’inscrire dans une démarche de qualité environnementale sous couvert des labels HQE, BREEAM ou LEED. Et les acteurs de l’immobilier logistique ont décidé d’aller plus loin que le Code de l’urbanisme (article L111-18-1). Pour les nouveaux entrepôts, la charte fixe à 50 %, au lieu de 30 %, la surface de leur toiture couverte par des panneaux photovoltaïques ou des végétaux. « Ces mesures devraient permettre à la filière d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2040 », affirme Claude Samson. En contrepartie, l’État s’est engagé à simplifier les procédures administratives pour aménager des entrepôts et à identifier des fonciers compatibles.
Producteur d’énergies renouvelables
Pour l’heure, les aménageurs optent en majorité pour la production d’énergies pour des raisons techniques, écologiques et économiques. « Le surpoids d’une installation photovoltaïque est d’environ 20 kg/m³, contre 80 kg/m² dans le cas d’une végétalisation de la toiture. L’impact sur les coûts de construction est très sensible. La pose de panneaux photovoltaïques s’appuie sur des technologies matures et génère des revenus supplémentaires.
Elle réduit l’empreinte carbone des bâtiments et contribue au verdissement des actifs immobiliers », explique Christophe Bouthors, président du groupe Panhard qui a aménagé une centrale solaire pour Sisley à Saint Ouen – l’Aumône (Val-d’Oise) et en réalise deux actuellement. Il prévoit une puissance installée jusqu’à 50 MWh d’ici à cinq ans, « valorisant l’entrepôt au-delà de sa seule fonction logistique ».
Sur les plateformes logistiques, les installations photovoltaïques ne sont pas nouvelles. En témoignant celles déployées par Barjane, il y a plus de dix ans sur le parc des Bréguières aux Arcs-sur-Argens (Var). « Avec nos récents projets au parc Saint-Charles de Fuveau (Bouches-du-Rhône), Ollainville (Essonne) pour Biocoop, Louvres (Val-d’Oise) pour Ba&Sh et SeD, à Réau (Seine-et-Marne) pour Mondial Relay, notre parc photovoltaïque a 18 centrales solaires cumulant une puissance installée de 26 MWh. Soit la consommation électrique annuelle déclare son de 14 000 habitants, président Léo Barlatier. Près de 10 % du chiffre d’affaires de Barjane provient de son métier d’énergéticien.